mercredi 14 juillet 2010

De l’eau dans le gaz… oil, et une truite suicidaire

Quand on est fatigué, on a tendance à faire des bêtises… Samedi 10 juillet, une navigation de près de 40 nautiques nous a menés de la région de Mandal à Farsund, la ville le plus au Sud de la Norvège. La journée s’était un peu allongée du fait que notre guide Imray aussi bien que nos cartes numériques Cmap indiquaient le port avec eau, électricité et tous les services au Nord d’un pont coupant le plan d’eau : lorsque nous nous y sommes présentés, des plaisanciers, charmants par ailleurs, nous expliqué que ce port se trouvait au Sud… Nos réservoirs d’eau étaient quasi-vides depuis le matin : pas question de rester sur un ponton sans service… Nous sommes donc arrivés fatigués, agacés. Et notre dernier séjour dans un mouillage pour plus d’une nuit remontait au 25 juin, à Göteborg. Vu notre grand âge, c’était sans doute trop long… Toujours est-il qu’à l’arrivée au port, alors que nous étions tout contents d’avoir trouvé une source d’eau, c’est le nable de gaz-oil qui s’est trouvé ouvert, et non celui d’eau. La bévue n’a pas duré longtemps : à peine avions-nous versé un litre ou deux d’eau douce dans le réservoir de gaz-oil que nous nous en apercevions. Mais l’eau est nettement plus lourde que le gaz-oil et tombe au fond du réservoir, prête à être aspirée dans le moteur qui n’aime pas ça du tout, mais alors pas du tout !
Samedi soir, dans une petite ville de Norvège… Le shipchandler local était fermé jusqu’à lundi, la station d’essence ne pouvait rien pour nous, et il n’y avait rien d’autre… Nous nous voyions bloqués jusqu’à lundi voire plus, faute de pouvoir utiliser le moteur, et quant à l’addition…
Heureusement, Zorro est arrivé ! Enfin, il a fallu aller le chercher : Göran a erré, désolé, le long des quais et a engagé la conversation avec un sea-rancher, un « éleveur de la mer ». Ce dernier, Tor Kjetil, mène une entreprise de recherche qui a déposé un brevet dans le domaine de la production de petits homards, et met au point sa découverte pour la rendre utilisable par des professionnels de l’élevage et / ou de la pêche en mer. Ce que nous apprendrons plus tard, c’est que sa compagne est française, et que le stagiaire qui le seconde ce soir là, Géry,... aussi. Leur oreille se tend donc à l’exposé des déboires d’un bateau français. Laissant tomber là l’alimentation des bébés homards, ils viennent sur PikouRous nous donner un coup de main. Nous avons pompé par le fond du réservoir une trentaine de litres de gas-oil… et d’eau. Lorsque le tout a eu décanté dans une petite cuve, nous avons pu récupérer une bonne moitié du gas-oil. Ensuite, il a fallu purger le filtre d’eau du moteur et les bulles d'air... Bref, nos Zorros nous ont accordé beaucoup de leur temps et avec une grande gentillesse. Ils s’en sont retournés nourrir leurs homards bien tard, avec les quelques litres de gaz-oil et d’eau dont nous ne savions quoi faire, et notre gratitude, pleine et entière !
Voici le site de leur entreprise : www.aegirhavbruk.no
Fort d’une expérience supplémentaire, et la conscience tranquille, nous avons pu passer une bonne nuit.
Nous étions amarrés à couple, sur un bateau qui partait le lendemain (alors que nous nous accordions une journée de repos). Au moment de rentrer leur annexe, nos voisins y trouvent un poisson ! Après réflexion, nous concluons que cette magnifique truite saumonée s’est suicidée en sautant dans l’annexe. Nos voisins nous la proposent : nous n’hésitons pas ! Pour trois, cela se révèlera un peu léger (dimanche = pas de magasin d’alimentation ouvert, et nos ressources dans le domaine sont au plus bas), mais délicieux.
Nous profitons de notre journée de repos pour aller en car visiter le phare de Lista, à une vingtaine de kilomètres, qui balise une région de fort mauvaise réputation que nous traverserons le lendemain… si possible ! Belle promenade, mer plutôt calme ce jour-là, vent portant : bien ! Bon, pour le trajet retour, nous étions bien au bon endroit à la bonne heure, mais nous nous reposions, et n’avons pas fait signe au chauffeur du car… nous avons dû trouver un chauffeur local pour nous sortir d’embarras… Quand je vous dis que c’est fatigant les vacances !
Heureusement la soirée est agréable, et l’équipage d’un petit voilier suédois vient discuter à bord de l’intérêt d’un aller-retour en Écosse sur quelques jours, et de bien d’autres choses.
Lundi matin, c’est donc après les derniers essais moteur et les courses que nous sommes partis. Et même un peu plus tard car la vidéo de l’ordinateur de bord, qui montrait des signes de faiblesse depuis quelques jours a cessé de fonctionner. Pour lire une carte numérique, c’est un peu gênant… Daniel a tenté quelques manipulations et s’est déclaré vaincu pour la journée : nous sommes partis avec pour outil de navigation l’ordinateur portable qui nous sert de secours. Départ vers midi, face au vent pour 40 nautiques en ligne droite… Dans une région réputée difficile, genre Penmarc’h en Bretagne Sud, c’était ambitieux.
Trop ambitieux même dans un vent correct (en moyenne de 15 à 18 nœuds) mais de face, et après le cap de Lista dans une mer croisée et confuse : grande houle de Sud et vagues nées du vent de Nord-Ouest et de la rencontre du Gulf Stream et des courants locaux. Le bateau tape un peu. Le mal de mer guette, l’équipage n’a pas faim.
Nota : nous sommes 3 à bord, et nous mangeons 3 pains différents : un sans gluten, un sans fruits secs, et un avec un maximum d’ingrédients. Alors, je vous laisse imaginer la confection de 3 sandwiches dans un habitacle qui ressemble au tambour d’une machine à laver…
Nous décidons donc de reporter au lendemain le passage connu pour être houleux, et de nous réfugier au fond d’un fjord à l’Ouest de Farsund et Lista. Rien que le fait de s’éloigner de 10° du vent et tout va mieux !
Nous savons que nous aurons cette même zone et une distance similaire à franchir le lendemain : les bons abris sur ce morceau de côte sont rares, et nous allons nous réfugier tout au fond du fjord, long de plusieurs nautiques. « Notre premier » fjord est magnifique, avec des fonds de 400 mètres et des collines de même « hauteur » : impressionnant. Autant dire qu'il est pratiquement impossible de mouiller une ancre dans ces fjords. Très vert et aussi très rocailleux, habité lorsque le sol s’aplanit. Nous comprenons mieux pourquoi les Norvégiens utilisent tant le bateau à moteur : les résidences secondaires installées sur le flanc du fjord ne sont accessibles qu’en bateau ; pas étonnant que ce dernier soit considéré comme une voiture… Stolsfjord puis celui de Lafjord, longs d’environ 10 nautiques nous conduisent ainsi à la ville de Flekkefjord. Nous trouvons un ponton gratuit pour la nuit, en plein centre ville. Cette dernière semble agréable, mais nous y arrivons tard, et il se met à pleuvoir : les rues sont désertes et nous n’avons que deux envies : dîner et nous coucher ! Le lendemain matin c’est donc sans avoir rien vu, mais sous le soleil, que nous reprenons Lafjord puis Hidrafjord, vers l’Ouest. Toujours magique.
Cmap continue à nous jouer des tours : il nous indique des routes qui barrent les fjords, sans nous donner la hauteur sous les ponts. En fait, lorsque nous nous y présentons, il s’agit de ferrys qui traversent le bras de mer ! Certes ces ferrys, comme en Suède, font partie de l’infrastructure routière, mais tout de même il existe des façons de représenter un ferry différentes d’un pont.
Nous croisons de très nombreux et importants bateaux de pêche. La forme de l’un d’entre eux, échancrée à l’arrière, nous intrigue : s’agirait-il d’un baleinier (les Norvégiens continuent à pêcher la baleine) ?
Plus loin, c’est un petit bateau de pêche côtière que nous croisons, accompagné d’un nuage impressionnant de goélands.
Au sortir du fjord, bonne surprise : la grande houle de Sud a disparu et il ne reste que « les vagues du vent », vent stable au Nord-Ouest mais nettement plus fort que la veille : entre 20 et 27 nœuds. Les vagues sont donc « belles », mais ordonnées. Avec deux ris et la trinquette, ça se fait ! Nous dépassons même les 8 nœuds au près dans les rafales ! Après une navigation de 50 miles dont une bonne partie agitée, nous arrivons fourbus à notre destination : Egresund. Toute la journée, nous avons navigué de concert avec un bateau suédois, que nous croisions de près de temps en temps à l’occasion des changements de bord. C’est un 43 pieds, et nous sommes tout contents de maintenir la même vitesse que lui ! Il fait cependant un choix tactique plus intéressant que le nôtre en arrivant dans le fjord où est implantée Egresund, et c’est son équipage qui nous accueille au ponton… Il fait beau, mais il est tard, notre équipage est salé et n’a que trois idées : se laver, dîner et se coucher. J’ai l’impression de me répéter ?? Ce fjord est à la fois moins profond et moins élevé, les environs de la petite ville d’Egresund sont très industrialisés, mais le port qui nous abrite est agréable, et les services à la hauteur.
Nous ne verrons encore rien de la ville : une journée sans vent est annoncée pour le lendemain, mercredi 14 juillet, un coup de vent est annoncé pour jeudi et vendredi, et nous voulons être à Stavenger avant l’arrivée de Patrick pour visiter un fjord ou deux de la côte Ouest. Donc, nous nous faisons à l’idée d’accomplir la dernière partie de notre navigation en Norvège au moteur… Cette côte est complètement ouverte aux vents dominants, très plate et n’offre aucun abri. Ce sera donc encore une longue journée… sous le soleil. Un voilier belge nous rattrape, et nous souhaite une bonne fête nationale ??? Ah ! Oui : j’ai bien écrit la date dans le cahier de bord, mais sans la lire…
Au bout du compte, nous aurons « abattu » près de 200 nautiques en 5 jours de navigation, et tiendrons notre planning (c’est moins que les Belges que nous venons de croiser, qui sont arrivés directement de Belgique ici en 4 jours !). Mais ce n’est pas la voile telle que nous souhaitons la pratiquer : nous sommes fatigués et n’avons pas profité comme nous l’aurions souhaité des régions traversées.
Nous comptons bien nous rattraper à Stavenger puisque nous disposerons de quelques jours avant l’arrivée de Patrick et la traversée vers l’Ecosse !

Aspects techniques
Mettre de l’eau dans le réservoir de gaz-oil peut arriver. C'est sûrement moins génant que de mettre du gaz-oil dans les réservoirs d'eau douce...
  • Surtout ne pas tenter de faire fonctionner le moteur
  • Ouvrir le réservoir au niveau de la sonde. Repérer l’orientation de cette sonde.
  • Confectionner un outil qui permet d’aller pomper au fond du réservoir car l’eau, plus lourde y sera. Nous avons utilisé le pic à barbecue. Utilisation de la pompe à huile manuelle pour les vidanges. Nous fixons l’extrémité du tuyau d’évacuation sur le pic à barbecue avec des fixes câbles en plastique.
  • Vidange en deux temps d’une vingtaine de litres de carburant et décantation dans un bac translucide. Évaluation du volume d’eau restant.
  • Récupération d’une partie du gaz-oil après décantation dans les bacs.
  • Faire fonctionner le moteur au ralenti accéléré et faire monter en puissance. Contrôler le niveau d’eau dans le bac décanteur et éventuellement purger avec la vis située en dessous du bol de décantation.
  • Purger l’air du bac décanteur en ouvrant le petit écrou de 13 mm dans le haut et faire pomper au niveau du réservoir avec la poire en caoutchouc.
  • Renouveler l’opération si nécessaire, et c’est nécessaire…




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8 commentaires:

  1. Je confirme: la Norvège fait partie des derniers pays encore "autorisés" à chasser le rorqual avec quotas , et visiblement avec des méthodes controversées ....
    Continuez prudemment quand même .... Bises !
    Anne

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  2. Toujours prudents ! Et à bon port à Tananger à côté de Stavenger pour 5 jours. ça a bien soufflé cette nuit.
    Côté baleinier, j'ai dû dire une bêtise : après recherche sur Internet, le "Mærsk laser" est un remorqueur...
    Danièle

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  3. alain et martine benedictus16 juillet 2010 à 08:37

    La société Maersk est le leader mondial du transport marchand par container.

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  4. alain et martine benedictus16 juillet 2010 à 08:56

    En ce qui concerne les nables, je trouve que les concepteurs de ce type de produit sont responsables de ce genre d'accident.D'après mes souvenirs lointains de marin, il me semble avoir également été confronté à ce problème sur le bateau de mes parents, car il n'y avait pas assez de différence visible entre les deux nables: même couleur, clefs similaires, tuyaux identiques etc...

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  5. Alain et Martine BENEDICTUS16 juillet 2010 à 19:02

    Vous ai envoyé un message sur boite email avec photos du même bateau que celui que nous avions.

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  6. alors ... pour l'eau et l'huile ... pas cool ... pour une vinaigrette ... il est préférable de mélanger moutarde + sel + poivre + vinaigre et de l'huile !!!
    Bonne continuation pour votre voyage ...
    Nous, dans le Sud de la France, nous avons - a priori - meilleur temps que vous et du vent qui agite la mer de temps en temps.
    Bises,
    MPS

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  7. EN SUÉDOIS

    Hej Göran och company,
    Min franska är inte helt knivskarp längre men vi läste igenom eran blogg och såg att vi stod med :)

    Vi tänkte att vi kör samma stuk tillbaka så får du översätta till franska.

    Vädret var lite emot oss men nu har vi kommit tillbaka till Mandal efter ett par nätter i diverse naturhamnar.
    Vi vill tacka för alla bra tankar och ideer från vårat samtal, det är något vi bär med oss.

    Har ni vägarna förbi Göteborg får ni gärna höra av er.

    Mvh
    ISIS CREW, Carl, Carl, Stina & Mathias

    http://scotlandyard.blogg.se/

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  8. hej the Swedish scouts
    Nice to see you on the blog. Goran is back home now and translated your comments for us and i'm happy that you took the good decision id to stay in Norway and not to do an in and out in the North sea in such incertain conditions. We are now in Scotland and the crossing for a little bit tiring but safe.
    I hope you'll a better occasion to go to Scotland because It's nice to see.
    Friendly
    Daniel Pikourous skipper

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